La guerre est déclarée. Chaque soir, c’est un nouveau combat : d’un côté, les chaînes historiques de la télévision ; de l’autre, les géants du streaming. TF1, France 2, M6 tentent de garder leur place dans le cœur des Français. Mais face à Netflix, Prime Video ou Disney+, la lutte devient chaque jour plus féroce. Et les chiffres commencent à inquiéter.
📉 Selon une étude Médiamétrie récente, le temps passé devant la télévision traditionnelle a chuté de 16% en cinq ans chez les 15-34 ans. Dans le même temps, le streaming explose : Netflix revendique 10 millions d’abonnés en France, Prime Video en compte près de 7 millions. L’enjeu est clair : qui capte vraiment nos soirées ?

Les chiffres en détails : la télé linéaire accuse le coup
Les dernières audiences télé sont sans appel. Le 1er avril 2025, TF1 proposait la série événement « Une affaire française ». Résultat : 2,9 millions de téléspectateurs. En face, France 2 avec « Envoyé Spécial » atteint péniblement 2,3 millions. M6, de son côté, chute sous les 1,9 million avec « Pékin Express ».
Des scores qui, il y a encore cinq ans, auraient été jugés catastrophiques.
Le prime time, autrefois bastion de la télé traditionnelle, est en net recul. Là où un bon programme pouvait réunir 6 à 8 millions de fidèles, aujourd’hui, un passage à 3 millions suffit pour être leader de la soirée.
Ce recul est encore plus marqué sur les cibles commerciales. Sur les 25-49 ans, la télé linéaire perd chaque trimestre du terrain. Selon Médiamétrie, les jeunes adultes passent en moyenne 1h15 par jour devant la télévision… contre 2h30 sur les plateformes de streaming ou les réseaux sociaux.
Netflix, Prime Video, Disney+ : la montée en puissance
Pendant que les chaînes se battent pour quelques parts de marché, les plateformes engrangent les succès.
Netflix truste les tendances avec des séries comme « The Gentlemen » ou « 3 Body Problem ». À chaque sortie majeure, c’est un raz-de-marée sur les réseaux. En mars 2025, le film français « Sous Pression », exclusivité Netflix, cumule 5 millions de vues en trois jours. À titre de comparaison, c’est l’équivalent d’un très bon prime sur TF1… sans pub, sans coupure, et en totale liberté horaire.
Prime Video tire aussi son épingle du jeu. « LOL : qui rit, sort ! », saison 5, a généré un énorme buzz en mars. Selon Amazon, plus de 3 millions d’abonnés français ont regardé l’émission dans sa première semaine.
Disney+, de son côté, cartonne chez les familles. La série « Percy Jackson » a dépassé les 2,5 millions de vues en France dès sa sortie.
Autrement dit : les plateformes ne se contentent plus d’exister. Elles dominent les conversations, trustent les tendances sur X (ex-Twitter) et TikTok, et captent un public que les chaînes ne savent plus comment séduire.
Le public a changé : plus libre, plus exigeant
La grande différence ? La liberté.
Plus de contraintes horaires. Plus de pubs. Plus de zapping. Le téléspectateur devient un « utilisateur », maître de son temps et de ses choix.
En 2025, 61% des 18-34 ans déclarent préférer regarder leurs contenus « à la demande », selon un sondage CSA. Le replay ne suffit plus. Ce que veut le public, c’est une offre disponible immédiatement, riche, diversifiée, et sans interruptions.
Un autre élément clé : les usages multiplateformes. Les jeunes ne regardent plus uniquement sur leur téléviseur. Smartphones, tablettes, ordinateurs… La télé linéaire reste souvent bloquée dans un schéma trop rigide.
Les chaînes répliquent : info, direct et événements
Mais tout n’est pas perdu pour la télévision classique.
Elle garde encore deux armes majeures : l’information en direct, et les grands événements.
Le JT de 20h de TF1 reste un pilier avec 5,5 millions de téléspectateurs quotidiens. France 2 suit de près. Le direct reste un atout fort : personne ne « stream » les infos du soir.
Idem pour les grands événements sportifs. Lors du match France-Espagne en mars, TF1 a réuni plus de 6,3 millions de téléspectateurs. Un score quasi inatteignable pour les plateformes.
Koh-Lanta, The Voice, ou encore La Star Academy continuent de fédérer. Mais même ces mastodontes montrent des signes d’essoufflement. Les audiences sont en baisse par rapport aux saisons précédentes. Et surtout, les discussions autour de ces programmes s’essoufflent plus vite.
La guerre des contenus exclusifs
L’autre terrain de bataille, c’est le contenu.
Les chaînes doivent faire face à une explosion de productions internationales. Netflix propose des séries sud-coréennes, des thrillers allemands, des comédies espagnoles. Prime mise sur les superproductions. Disney+ sur ses licences cultes (Marvel, Star Wars).
La télé française, malgré ses efforts, peine à suivre. La fiction hexagonale reste parfois perçue comme datée. Pourtant, certains succès montrent qu’il y a un espoir. La série « Tapie » sur Netflix a cartonné, prouvant qu’un sujet français peut encore passionner.
Mais là encore, c’est une plateforme qui a raflé la mise.
Les réseaux sociaux, juges de paix
Impossible aujourd’hui de parler d’audience sans évoquer les réseaux.
Sur X, TikTok, Instagram, les plateformes dominent clairement. Une série Netflix peut générer des millions de vues sur ses extraits, des challenges viraux, des débats enflammés. La télé traditionnelle ? Moins présente, moins agile, souvent à la traîne.
Un exemple : la série « Baby Reindeer », lancée en avril sur Netflix, a généré plus de 200 000 tweets en une semaine. À titre de comparaison, un prime de « Mask Singer » ne dépasse pas les 30 000 interactions sociales.
La pub suit la tendance
Et les annonceurs dans tout ça ? Ils ne sont pas aveugles.
De plus en plus de budgets publicitaires migrent vers le digital. Netflix a lancé sa formule avec pub fin 2023, et attire déjà de nombreux annonceurs. Prime Video l’a suivi en 2024.
Pour les chaînes, c’est un coup dur. Leur principale source de revenus se fragilise. Et avec une audience en baisse, il devient plus difficile de justifier les tarifs élevés.
Ce qu’il faut retenir
La télé traditionnelle est en crise. Ce n’est pas une disparition, mais une transformation profonde.
Elle conserve ses points forts : le direct, l’information, les événements fédérateurs. Mais elle perd du terrain chaque jour sur le terrain du divertissement, de la fiction, et surtout… de l’attention.
Les plateformes ont changé la donne. Elles sont partout, tout le temps, et s’adaptent au public. La télé, elle, doit encore apprendre à se réinventer.
Et maintenant ?
Le défi pour les chaînes est immense. Innover, se moderniser, comprendre les nouveaux usages. Le replay ne suffit plus. Il faut des contenus originaux, des formats courts, du choc, du rythme, et de l’audace.
Certaines expérimentent : TF1 teste des séries 100% numériques, France Télévisions mise sur france.tv pour le rattrapage en ligne. Mais face à des géants comme Netflix, cela ressemble à David contre Goliath.
La bataille ne fait que commencer. Les soirées des Français sont un terrain de guerre. Et ce sont eux, les téléspectateurs devenus utilisateurs, qui décideront des vainqueurs.
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